Vieillir, se
l'avouer à soi-même et le dire,
Tout haut, non pas
pour voir protester les amis,Mais pour y conformer ses goûts et s'interdire
Ce que la veille encore on se croyait permis.
À chaque cheveu blanc se séparer d'un rêve
Et lui dire tout bas un adieu sans retour.
Et nourrir son esprit d'un solide savoir ;
Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes
Comme on aima les fleurs, comme on aima l'espoir.
Craindre d'être importun, sans devenir sauvage,
Se laisser ignorer tout en restant près d'eux.
Sans négliger son corps, parer surtout son âme,
Chauffant l'un aux tisons, l'autre à l'antique foi,
Puis un jour s'en
aller, sans trop causer d'alarmes,
Discrètement
mourir, un peu comme on s'endort,Pour que les tout petits ne versent pas de larmes
Et qu'ils ne sachent pas ce que c'est que la mort.
François FABIÉ (1846-1928)
(Recueil : Ronces et lierres)